Retour sur les 5ème Rencontres du Progrès Médical du SNITEM

6 octobre 2017
Dans un contexte réglementaire renforcé, la question de l’innovation se pose au sein de l’écosystème du dispositif médical.
Cette journée passionnante des 5èmes Rencontres du Progrès Médical a permis d’échanger sur les problématiques actuelles en termes d’innovation, mais aussi de recentrer le débat sur les enjeux fondamentaux que sont l’éthique, la mesure entre bénéfice et risque, la formation des professionnels de santé, l’information du patient et le besoin perpétuel d’innovation pour maintenir la France compétitive.
Introduction – Stéphane Regnault, président du SNITEM
Pourquoi l’innovation fait-elle peur ?

Nous sommes unanimes, l’innovation, c’est bien et il faut l’encourager. Cependant, il existe une grande lenteur de mise sur le marché, et les organisations y sont en général réfractaires. Cela coûte cher, dérange, change les habitudes (modifie les actes médicaux, impliquent des acteurs différents, introduit les soins à domicile, etc.). Les innovations mettent donc du temps à atteindre les patients.

Politique

L’innovation est une priorité du gouvernement actuel. Emmanuel Macron estime que le rôle de l’état est de soutenir, d’accompagner, et de simplifier la vie drastiquement. Or le meilleur moyen de simplifier est de ne pas complexifier.

Cependant, le secteur des dispositifs médicaux connaît une complexification par la réglementation, selon le modèle de l’industrie pharmaceutique. Or de même que les péniches ne sont pas de avions, les dispositifs médicaux ne sont pas des médicaments. Ils ne doivent pas être traités de la même manière, en particulier du point de vue réglementaire.

Marquage CE

Les organismes notifiés ont été chamboulés récemment, il existe un seul organisme notifié en France et celui-ci est pris d’assaut. Il ne prend pas de nouveaux dossiers, ce qui est dramatique car ferme la porte aux startups qui innovent. Il est donc nécessaire de mettre en place des structures qui permettent l’innovation.

Régulation

Le système de santé français a aujourd’hui des difficultés à régler ses comptes, il faut alors contrôler les dépenses. Or le monde des dispositifs médicaux est composé de 92% de PME et ne peut pas fonctionner comme les industries du médicament. L’innovation est incrémentale, il existe des besoins de formation pour apprendre à utiliser les outils, dans un domaine très diversifié.

Les dispositifs médicaux sont régulés au LPPR mais aussi par les actes. Une baisse de prix des actes entraîne une baisse de la capacité de financement. D’ailleurs une grande partie des produits est achetée par appel d’offres, avec une très forte pression sur les prix.

Il serait souhaitable que le système de régulation soit adapté au secteur.

 

Big Bang Où en sommes-nous de l’innovation ? – Sylvie Allouche, philosophe et Marc Touati, économiste
Le seul moyen de faire de l’innovation durable, infinie dans un monde fini est de l’optimiser, créer de nouvelles sources de richesses. Par exemple proposer des innovations successives en diminuant l’utilisation des matières premières. Le poids de la R&D en France est très faible (2% en France contre 3% en Allemagne sur un an), cela entraîne un retard technologique.Il ne faut donc surtout pas avoir peur de l’innovation, afin d’encourager la croissance et ne pas prendre de retard.

Le concept d’éthique embarquée consiste à intégrer des questions éthiques fondamentales très tôt dès la conception. C’est la question du « pourquoi ? ». Les questions éthiques n’empêchent pas forcément d’avancer et peuvent nourrir des perspectives d’innovation.

 

Le principe de précaution, un ennemi qui nous veut du bien ?
Le principe de précaution est-il un frein à l’innovation ? Aujourd’hui, il existe une surenchère sécuritaire qui se veut préserver l’éthique nécessaire à la protection du patient et de l’usager.> Stéphane Piat – Carmat

Carmat, c’est la médecine du futur. Cela a commencé avec les stents aortiques, qui ont été suivis par le traitement des valves, permettant de vivre plus longtemps. Mais à 84 ans, le cœur n’arrive plus à remplir sa fonction de pompe, c’est pourquoi l’on se propose de remplacer un organe.

L’ANSM et la HAS fonctionnent sur un principe du passé. Une règle de ne peut pas être appliquée à tous les domaines, et surtout il faut ajouter une dimension risque-bénéfice (il faudrait d’ailleurs parler de bénéfice avant le risque). Par exemple, pour la FDA, lorsque trois patients décèdent de suite à un problème de stent recouvert de médicament (ex des patients diabétiques qui ne peuvent pas subir de chirurgie), s’il n’existe pas d’alternatives, et qu’aucun concurrent n’est capable de fournir le marché, la solution est laissée sur le marché et son évolution surveillée. Il faudrait suivre ce principe de valorisation du bénéfice tout en mesurant le risque.

> Guy Valencien

Même quand nous ne savons pas où nous allons, cela peut mener à une belle découverte ou invention (exemple de la découverte du feu). Il ne faut donc pas se focaliser sur le risque. Pour comprendre le bénéfice-risque, il faut tester, et ne pas s’arrêter à la précaution. D’ailleurs d’autres innoveront si nous ne le faisons pas.

> Claude Chaumeil

Le patient doit avoir la connaissance et le temps de la réflexion. Aujourd’hui une approche différente émerge avec les associations de patients. Il faut informer le patient de manière complète, transparente avec respect de l’éthique.

> Isabelle Adenot – Cnedimts

L’innovation doit être utile. Les risques existent, le principe de précaution ne doit pas être utilisé abusivement. Les risques peuvent être inférieurs au bénéfice. Il ne faut pas annuler les risques mais en tenir compte. Les études permettent alors de mesurer l’utilité et les risques dans le but de trancher.

Tout le monde appelle l’innovation, et notamment les patients. Cependant nous nous concentrons trop souvent sur les menaces et désirons (trop ?) de sécurité, ce qui est un paradoxe.

Plusieurs types d’innovation : produit, organisationnelle, mais aussi sur la qualité de vie qui est importante.

Conclusion

Le principe de précaution est nécessaire mais pas suffisant. La sécurité ne doit pas prendre le pas sur le bénéfice du patient. Le dialogue et le retour d’information rapide de la part des patients doit encourager la transparence.

 

Intelligence artificielle / big data : quel bouleversement pour la santé ?
> Julien Muresianu – CEO Jalgos

L’intelligence artificielle, c’est l’ensemble des dispositifs qui permettent d’imiter et remplacer ce que l’on fait avec nos cerveaux, ce que l’on observe et ce que l’on en fait. Les applications peuvent être une aide à la décision, ou une automatisation. En médecine, l’intérêt de l’intelligence artificielle est de récolter des données pour l’aide au diagnostic, voire aider le diagnostic à l’aide d’un programme. Apparaît alors le diagnosticien augmenté.

> Jérôme Chevillotte – directeur marketing GE Healthcare

L’intelligence artificielle est déjà une réalité, notamment en imagerie médicale. Il devient impossible de se passer d’intelligence artificielle avec la production massive d’images. Il est nécessaire de donner du sens aux données, et quand la masse d’information est telle, l’humain n’est plus capable de les traiter. La machine permet alors d’obtenir les informations utiles.

Doit-on avoir peur de l’intelligence artificielle ?

L’encadrement juridique est en construction. Il s’agit d’un domaine complexe car lorsque l’on délègue un traitement à un ordinateur, parfois on sait comment il procède, et parfois l’algorithme est opaque. On a alors tout de même conscience des limites et angles morts.

Il est nécessaire de faire confiance aux startups, car les grands groupes comme GE ne peuvent plus s’appuyer sur leurs propres forces. Ils ont besoin de startups dans leur écosystème.

Les médecins qui utiliseront l’intelligence artificielle finiront par remplacer les médecins qui ne l’utiliseront pas. De même que les pilotes automatiques n’ont pas remplacé les pilotes, l’intelligence artificielle ne remplacera pas les médecins. Ceux-ci pourront cependant se concentrer sur des choses que l’on ne peut pas déléguer à l’ordinateur.

> François vorms – Toshiba

Il n’y a plus de médecine sans imagerie, ce qui entraîne de grandes quantités de données. Nous avons alors besoin d’intelligence artificielle et du big data.

 

Accueillir et diffuser l’innovation, une mutation organisationnelle ?
> Nicolas chandelier – Directeur Général BD France

Un exemple d’innovation technologique ayant entraîné des modifications organisationnelles chez les clients est la prévention des AES (accidents d’exposition au sang en environnement hospitalier). Auparavant, la notion de risque et d’accident avait un impact émotionnel. Aujourd’hui, nous avons une approche centrée sur le patient plus que sur l’acte en lui-même.

> Emmanuel bonhomme – président J&J medical

L’intégration des innovations est assez lente (exemples de la cœlioscopie, de la chirurgie mini invasive) : une formation technique est d’abord proposée par l’industriel, puis intégrée au sein des services. Le changement organisationnel vient plus tard.

Auparavant, les innovations étaient incrémentales, et vendues progressivement. Aujourd’hui, avec l’anticipation des changements, il faut co-créer les solutions, apporter du service en plus de la technologie. Ces changements industriels sont nécessaires pour que les innovations soient acceptables chez le client.

> Jérôme Chevillotte – directeur marketing GE Healthcare

Comment l’innovation technologique permet d’améliorer le parcours de soin ? La réflexion doit se faire sur un champ plus large que l’imagerie. Il faut penser parcours patient, aujourd’hui on n’en est pas encore capable. Former et accompagner les professionnels de santé est un rôle essentiel des industriels.

 

Conclusion par Marie SONIER

« Je retiens de ces débats qu’une harmonisation et une simplification réglementaires sont nécessaires, mais ne doivent pas entraîner un calque du modèle pharmaceutique. Le dispositif médical est par nature utilisateur-dépendant, les professionnels de santé doivent être formés à leur utilisation et le patient doit être placé au centre des réflexions et innovations.

D’autre part, la notion d’éthique est fondamentale et doit être considérée dans le processus d’innovation. Je pense notamment au concept éthique « Jamais la première fois sur le patient » qui guide nos actions et projets chez SimforHealth. »

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